Our gratitude to Anne-Charlotte Martineau, École Normale Supérieure, Paris, for translating our Introduction into French.
Original English text by Laura Betancur-Restrepo, Amar Bhatia, Usha Natarajan, John Reynolds, Ntina Tzouvala & Sujith Xavier.
Le Third World Approaches to International Law (TWAIL) est un mouvement regroupant des universitaires et des praticiens du droit international et de la politique internationale qui s’intéressent aux problématiques liées aux « pays du Sud » compris de manière large. Les projets académiques ou scientifiques associés à TWAIL sont variés. Ils intègrent des perspectives multiples, issues de champs disciplinaires tels que les études du Tiers-Monde, la pensée marxiste et féministe, le post-colonialisme et la décolonisation, les études autochtones et la théorie critique des races. Les interventions du TWAIL ont en commun d’analyser et de déconstruire l’héritage colonial du droit international et de s’engager dans des entreprises en tout genre pour soutenir la décolonisation des réalités vécues par les peuples du Sud ainsi que la transformation radicale –voire la dissolution– de l’ordre international qui régit leur vie.1 Ces vingt dernières années, le réseau TWAIL a grandi et s’est développé de manière à associer des milliers de personnes vivant sur les cinq continents. La revue TWAIL (TWAILR) est la première revue qui soit totalement consacrée au réseau TWAIL et à la poursuite de ses objectifs.
Tout comme le font les revues de droit conventionnelles, la revue TWAILR publiera une série de volumes contenant des articles académiques. Parallèlement à ce contenu conventionnel, la revue TWAILR publiera tout au long de l’année des essais plus courts sur les courants intellectuels et sur l’actualité dans les pays du Sud (TWAILR : Réflexions), des entretiens avec des universitaires et des praticiens de pointe (TWAILR : Dialogues), ainsi que des articles s’intéressant à des domaines non-juridiques comme la fiction ou les arts qui se rapportent au TWAIL (TWAILR : Extra).

La revue TWAILR constitue un effort conscient et stratégique d’intervenir dans la production du savoir sur le droit international, afin d’aider notre discipline à devenir véritablement internationaliste. Bien que nous apprécions les formes scientifiques conventionnelles, nous nous rendons compte qu’elles ne peuvent, à elles seules, refléter adéquatement l’expérience complète du droit international et son impact dans le monde. L’ouverture de la revue à différents média et formes d’expression atténuera l’élitisme et l’exclusivité disciplinaire. Afin de poursuivre ses objectifs, la revue TWAILR restera la plus accessible et lisible possible, en particulier pour les populations des pays du Sud. Dans cette optique, la revue TWAILR sera disponible en ligne, sans publication imprimée en parallèle, et s’engage à rester gratuite et accessible sans abonnement. La revue TWAILR veut également être dotée d’une structure organisationnelle représentative, responsable et non-hiérarchique. La composition du comité éditorial changera périodiquement, avec des rotations au sein du réseau, et ces changements seront faits à l’autre du principe directeur selon lequel la composition du comité doit être représentative en termes de genre et de régions géographiques. Bien que la revue TWAILR commencera par être une publication de langue anglaise, elle espère se diversifier et proposer des articles en d’autres langues dans les années à venir, une fois que la plate-forme sera bien établie.
Par nature, le droit international n’est pas une discipline progressiste.2 Au fil de l’histoire, la discipline s’est révélée être utile au pouvoir, profondément conservateur, et n’a pas su relever les défis contemporains. Les juristes et spécialistes de droit international sont pourtant confrontés à de nombreux problèmes, tous plus urgents les uns que les autres, allant de la pauvreté et de l’inégalité aux migrations et à la destruction de l’environnement, des droits de l’homme et de l’humanitarisme au développement et à la redistribution économique. La façon dont les juristes internationalistes ont travaillé dans le passé n’a pas contribué à atténuer ces problèmes. Au contraire, à bien des égards, ils ont pu éviter d’y répondre avec la bénédiction de notre discipline. La possibilité même de changement et de réponses novatrices ne peut se faire que si la discipline inclut des voix qui étaient jusqu’ici marginalisées, en raison de préjugés explicites et implicites de longue date et fondés sur le sexe, la race, la classe et d’autres indicateurs de différence et d’exclusion. La revue TWAILR s’engage à favoriser des réflexions menées par et avec les sensibilités des pays du Sud –c’est-à-dire, la majorité des pays du monde– et ainsi de mettre en avant un autre rapport avec le droit international : un rapport plus inclusif, créatif et productif. En réduisant au silence ou en mettant de côté la majeure partie du monde, le droit international dominant ne reflète ni la diversité de l’expérience humaine, ni la nature hybride de nos identités. Si l’on examine l’histoire du droit international, on constate que les pays du Sud ont subis ses principes militaires, économiques, politiques, culturels et moraux. La revue TWAILR vise à ce que la pensée du Tiers Monde façonne davantage notre avenir disciplinaire et encourage une production du savoir sur le droit international qui soit plus juste, plus radicale et plus sensible aux défis collectifs auxquels nous sommes confrontés.
- Usha Natarajan, John Reynolds, Amar Bhatia et Sujith Xavier, « TWAIL: On Praxis and the Intellectual », Third World Quarterly, vol. 37, n° 11, 2016, pp. 1946-1956.
- Voyez par exemple John Linarelli, Margot Salomon et M. Sornarajah, The Misery of International Law, Oxford University Press, Oxford, 2018. Anne Orford, « Scientific Reason and the Discipline of International Law », European Journal of International Law, vol. 25, 2014, pp. 369-389. Hilary Charlesworth, « International Law : A Discipline of Crisis », The Modern Law Review, vol. 65, 2002, pp. 377-392.